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Espace Michel Lizée

Comprendre le legs de Michel Lizée avec le RRFS-GCF

L’aventure a commencé au sortir d’une assemblée où la question des conditions de travail dans les groupes communautaires était soulevée. Michel me dit : « vous devriez vous occuper de la retraite des personnes salariées du communautaire, car si rien n’est fait c’est la pauvreté qui les attend. Après avoir passé une vie à travailler à l’amélioration de la qualité de vie des autres, elles vont se retrouver, à 65 ans, à vivre sous le seuil de pauvreté ». S’en suit une vive discussion sur la faisabilité d’une telle entreprise. De mon point de vue, il est évident alors que c’est de l’énergie perdue : les régimes de retraite, c’est bon pour les grandes entreprises, les secteurs public et parapublic. Les personnes salariées du communautaire luttent pour maintenir leurs emplois à salaires modestes ; elles sont bien loin de se préoccuper de leur retraite. Il n’en demeure pas moins que l’absence d’avantages sociaux, notamment pour la retraite, entraîne deux conséquences : les personnes salariées n’ont pas de sécurité du revenu et se dirigent vers une retraite pauvre et les employeurs ne disposent pas d’un outil d’attraction et de rétention de la main-d’œuvre. Conséquence, des personnes compétentes et motivées chercheront à passer dans les secteurs public et parapublic pour acquérir un minimum de sécurité, même si le travail y est perçu comme moins motivant.

Une opportunité apparaît avec la Politique gouvernementale sur l’action communautaire « d’accompagner le milieu communautaire dans des démarches visant à s’enquérir de l’intérêt des organismes pour des régimes d’assurances collectives ou pour un régime de retraite » (Gouvernement du Québec, 2001, p. 35). Relais-Femmes et le Centre de formation populaire (CFP) en profitent pour lancer un chantier de réflexion. Le Service aux collectivités de l’UQAM (SAC-UQAM) accepte alors de dégager du temps de Michel Lizée pour nous accompagner. Le groupe de réflexion, composé d’une quinzaine de personnes issues de diverses composantes d secteur communautaire, a pu compter sur la grande expertise de Michel sur les régimes de retraite, mais aussi sur ses compétences de formateur. Avec habileté, patience, rigueur et engagement, Michel nous a fait concevoir un régime adapté à notre secteur. Il nous a amenés, une question à la fois, à définir un régime de pension soutenable, basé sur notre réalité.

Dans un premier temps, il nous a démontré que les régimes publics ne sont pas suffisants pour assurer des revenus suffisant à la retraite car ils nous maintiennent sous le seuil de pauvreté. Après le choc de cette prise de conscience, Michel nous a alimenté dans notre analyse de la situation et dans une recherche de solutions adaptées au secteur communautaire. Il nous a fait cheminer en abordant un aspect à la fois de ce qui pourrait être un régime de retraite collé à notre réalité de groupes communautaires et de femmes. À titre d’exemple, Michel a expliqué, aux membres du groupe de réflexion, les différents régimes de retraite possibles : cotisations déterminées/prestations déterminées, REER collectifs/régimes de retraite simplifiés, REER/régimes de retraite, régime de retraite classique/régime de retraite à financement salarial… Fort des informations présentées et après avoir généreusement répondu aux multiples questions des membres il les amenait à identifier le type de régime à privilégier pour le secteur communautaire. Pour donner suite à ces délibérations, Michel travaillait un texte reflétant les volontés du groupe. Ce texte servait de proposition pour la rencontre suivante afin qu’elle soit validée par les membres. Petit à petit et après plusieurs mois de travail, nos réflexions nous amènent à choisir le régime à financement salarial comme étant le régime le mieux adapté à notre secteur. Mais la contribution de Michel ne s’arrête pas là ! Son engagement se maintient jusqu’à la concrétisation de ce grand projet et le travail est imposant : transposer en texte du régime nos idées en écrivant le texte du régime, en rédigeant la politique de financement et de placement de notre régime afin qu’elle soit conforme à nos valeurs tout en assurant une solidité et une santé financière du régime. faire des représentations politiques afin de nous assurer que le cadre législatif et administratif ne soit pas un obstacle, rencontrer des groupes pour leur présenter notre projet de régime de retraite, aller chercher des intentions d’adhésion, faire faire une étude stochastique pour s’assurer de la solidité de notre proposition, trouver nos actuaires et nos gestionnaires, et j’en passe. Après quatre années de travail, le Régime de retraite des groupes communautaires et de femmes (RRFS-GCF) voyait officiellement le jour le 1er octobre 2008.

Depuis toutes ces années, Michel a formé, directement ou indirectement, des milliers de personnes aux enjeux de la retraite, car pour lui (et pour nous), il était primordial que tous comprennent le système canadien et québécois de financement des retraites et surtout l’insuffisance des régimes publics pour assurer une retraite hors de la pauvreté.

Michel aurait pu se retirer avec le sentiment du devoir accompli et profiter de sa retraite de l’UQAM. Son choix a été tout autre. Il a maintenu son engagement à titre de membre indépendant du comité de retraite, les membres du comité de retraite ont ainsi bénéficié de ses immenses connaissances sur les régimes de retraites et les placements qu’il rendait accessible par ses grandes qualités de vulgarisateur et de formateur. Il a aussi multiplié ses efforts afin d’améliorer les conditions de vie à la retraite du plus grand nombre. C’est dans cette perspective qu’il s’est engagé activement dans la lutte pour l’amélioration des régimes publics de retraite. C’est en toute cohérence avec les valeurs de notre secteur que notre régime a rejoint Michel dans cette lutte. Son engagement dans l’amélioration des conditions de vie à la retraite n’a jamais failli. En novembre 2020, diminué par la maladie, il tentait encore de faire comprendre aux législateurs l’importance pour la sécurité financière des retraités.es orphelins, que notre régime puisse les garder plutôt que nous en départir. La protection des droits des retraités.es orphelins aura été sa dernière bataille.

Le 8 janvier 2021, j’ai reçu la lettre de démission de Michel, à titre de membre indépendant du comité de retraite du RRFS-GCF. Quelques semaines avant sa mort. Même si nous le savions malade depuis longtemps, son départ a été un choc. Quelques heures avant d’apprendre son décès, le comité de retraite décidait de créer, pour lui, un poste de conseiller spécial afin qu’il puisse, si sa santé le permettait, nous revenir en toute légitimité.

Michel a été aussi exceptionnel à un autre titre, il a préparé son départ. Il était conscient du rôle cardinal qu’il jouait au sein de notre régime et de sa santé fragile. Il a lui-même parlé de l’importance de prévoir son départ. Il a répertorié ses tâches et fonctions au sein du régime, ce qui nous a permis d’identifier qui pourrait les assumer et les coûts associés à son remplacement. Ce travail s’est fait facilement grâce à l’ouverture et à l’honnêteté de Michel. Nous avons pu avoir de la peine sans être paniqués pour la suite. Il a été remarquable dans son travail et son engagement et ce, jusque dans sa façon de partir.

Nous avons eu la chance et le grand privilège de travailler avec Michel Lizée, maintenant c’est nous qui sommes orphelins, mais nous sommes riches de son legs.

Au nom des membres du comité de retraite, de l’équipe du secrétariat et aussi des personnes retraitées et futures retraitées de notre régime, merci Michel.

 

Crédit : Lise Gervais, Présidente du Comité de retraite du RRFS-GCF
Version mise à jour du texte publié le 15 mars 2021
Site Internet Observatoire de la retraite : observatoireretraite.ca